DEUXIÈME ÉTAGE



Elle s'arrête un instant sur le palier, hésite à négocier tout de suite un virage vers la prochaine montée d'escalier. Elle a envie d'une cigarette, même si la soif est pire ensuite. Elle n'en a fumée qu'une seule aujourd'hui. Ou deux peut-être. Tous ces efforts lui donnent envie d'une récompense. Elle pose ses charges et s'assied à même le sol après avoir sorti le paquet de sa poche arrière, pas celle avec les clefs, l'autre poche.

J'suis bien, là... Même avec une clef qui me rentre dans la fesse. J'pourrais plus me lever si ça se trouve ! Je l'ai méritée, cette clope. Tant pis pour les saletés que je vais faire par terre. Si Papa voyait ça, il m'en enverrait une bonne dans les gencives avant de me parler de Maman. Je m'en fous, il n'est pas là. Je suis indépendante !!

C'est sûr, Papa n'apprécierait pas.
Papa s'appelle Roger. Un peu autoritaire, mais on le comprend : il a eu un accident de chantier quand Marie était toute petite, et a perdu l'usage d'une jambe. Plus de travail, plus de foot, plus de rapports sexuels (avec sa femme), plus rien. Il a touché une belle somme de l'assurance, a acheté un grand appartement, et la pension d'invalidité qu'il touche leur a toujours suffit. Mais il ne faut pas le contrarier. Cette jambe morte le rend un peu nerveux, souvent irritable.
Et il a horreur des femmes qui fument. Maman fume, des mentholées toutes douces, parfois. Quand il la surprend, il lui montre que ses poings, eux, ne sont pas morts. Marie a huit ans quand son père force sa mère à fumer toutes les cigarettes de la maison, les siennes à elle et ses Gitanes brunes à lui. Au bout d'un certain temps, elle a vomi. Marie s'était cachée dans les toilettes, et sa mère ne la voit pas alors qu'elle a la tête dans la cuvette. Marie ne peut pas sortir, Maman agenouillée lui barre le passage. Alors c'est Papa qui la sauve en la portant à bout de bras, par-dessus le corps secoué de spasmes de Maman. Marie ne pleure pas. Elle sait que lorsque Roger fait son sourire de requin, il vaut mieux garder son calme. Pas de larme ni de rire, s'il-te-plaît. Un truc que Maman maîtrise à la perfection : elle le voit très souvent, le sourire de requin.
Roger a expliqué à Marie les règles du foot et les règles de la Vie : Les femmes ne fument pas, ne boivent pas d'alcool et ferment leur grande gueule lorsqu'on le leur demande. Les hommes travaillent et gèrent ce qu'ils peuvent. Marie n'a jamais osé demander à son père pourquoi, lui, un homme, ne travaille pas et enfreint donc cette grande Loi.

Jean-Mi non plus ne veut pas que je fume d'ailleurs. Il dit qu'une femme qui sent le tabac froid, c'est comme une moule pas fraîche : pour la vue, passe encore, mais rien que l'odeur est à faire gerber. Tant pis je mangerai un chewing-gum en rentrant. Après avoir bu ! Je n'aurais pas dû m'arrêter tout à l'heure, j'en étais sûre ! La douleur dans mes bras est bel et bien réveillée maintenant ; ils commençaient à peine à s'engourdir. Quelle conne je suis ! Et puis ta gueule ! Arrête de t'insulter toute seule ! Arrête de penser sans arrêt ! ... Je me parle à la deuxième personne maintenant. Je suis folle. Penser, ça m'occupe ... Et voilà, un de plus !

1 commentaire:

  1. Coucou -:) Suis Là !!! -;)

    Tu Devrais Faire Un Livre de Tes Écrits, j'Aime Beaucoup Ton Écriture, Et Tes Mots... Reviendrai Ce Soir Lire La Suite, Avec Plaisir <3 <3 <3

    Continue... Ne JAMAIS S'Arrêter !!! Dois Aller Faire Le Ménage De Chez Nous Deux, à Titi Chaton Superstar, Et Tout Le Reste... GROS BISOUS à Toi <3 <3 <3 Et Belle Journée -:)... à Bientôt Malili -:)

    RépondreSupprimer